Un article paru dans La Libre Eco du samedi 9 septembre 2023

Quels sont les risques si on ne régularise pas les capitaux prescrits?

L’administration fiscale publiait le 13 juillet une foire aux questions relative à la DLUquater (ou déclaration libératoire unique) rappelant qu’elle prend fin le 31 décembre 2023. Si les impôts régionaux ne peuvent plus être régularisés depuis 2020, les impôts fédéraux peuvent encore l’être pour autant qu’aucun acte d’investigation n’ait déjà été posé par l’administration ou que la DLU n’ait pas pour objet de couvrir des infractions pénales d’une certaine gravité telles des ventes illégales d’armes, de drogue ou autre.

Depuis 2003, les DLU se sont succédées. La première permettait de régulariser des avoirs provenant d’une fraude fiscale. Les DLUbis concernait la régularisation des revenus qui n’auraient pas subi leur sort fiscal. Le déclarant devait choisir le nombre d’années à régulariser et pouvait éventuellement régulariser des capitaux prescrits, ce que certains ont fait. La DLUter a ouvert la régularisation aux cas de fraude fiscale grave et organisée et la DLUquater a pour objet de régulariser des capitaux prescrits. Jusqu’à cette dernière DLU, les déclarants s’étaient généralement bornés à déclarer les revenus de ces capitaux.

Or si chacune de ces DLU offrait une amnistie pénale et fiscale, l’amnistie ne concerne que ce qui est régularisé. Et aujourd’hui, rapatrier des fonds en provenance de l’étranger dont seuls les revenus ont été régularisés est devenu très compliqué.

En effet, dans le cadre de la lutte contre le blanchiment, les professionnels des secteurs financier et juridique, sont tenus d’informer la CTIF (cellule de traitement des informations financières) des opérations dont ils soupçonnent qu’elles sont liées à un blanchiment de capitaux. Cette obligation ne concerne pas des faits de fraude fiscale simple. Pour être dénoncée, la fraude doit être grave, organisée ou non. Pourtant, dès qu’un quidam souhaite rapatrier des fonds de l’étranger, son institution bancaire lui demandera invariablement s’il peut démontrer l’origine de ces fonds. S’il ne le peut pas, il est soit invité à quitter la banque soit à réaliser une DLU.

Or, cette possibilité de régulariser prend fin d’ici quatre mois et elle ne devrait être suivie d’aucune autre possibilité d’amnistie.

Quels sont les risques de ne pas régulariser ces capitaux prescrits ?

Ne pas pouvoir rapatrier ses fonds et se voir inviter poliment à quitter sa banque qui ne prendra aucun risque, quand bien même la seule infraction qui puisse être reprochée est de ne pas pouvoir démontrer l’origine des fonds ou que la fraude ne soit qu’une « fraude simple ».

C’est souvent un comble. Les banques soulèvent le délai de conservation de dix ans des documents bancaires pour refuser de transmettre des extraits de compte plus anciens. Aussi, il devient vite impossible de démontrer que l’investissement à l’étranger a été réalisé via une épargne ou une donation réalisée dans les règles.

L’investissement peut aussi concerner la vente d’un immeuble. Comment le vendeur d’un appartement acquis en suisse va-t-il pouvoir démontrer l’origine des fonds utilisés pour son acquisition quarante ans plus tôt s’il n’a pas gardé la trace du virement bancaire ?

Pourtant, c’est bien ce qu’il faut démontrer pour rapatrier ces fonds sans devoir débourser 40% du montant des capitaux prescrits. Et en 2024, ce ne sera tout simplement plus possible.

Que faut-il faire pour être tranquille ?

Soit réaliser cette DLU avant le 31 décembre soit démontrer au moyen de documents probants que les capitaux fiscalement prescrits ont été soumis à leur régime fiscal ordinaire en faisant le lien entre les pièces justificatives et les montants à régulariser.

Les banques agissent-elles par excès de prudence ?

Certes, parce que leurs obligations de dénonciation dans le cadre de la loi sur le blanchiment ne concernent que des faits de fraude grave. Or, les opérations peuvent être tellement anciennes qu’elles ne peuvent simplement plus être démontrées. Et puis, ne pas déclarer des revenus ou une succession, c’est a priori une fraude simple.

Les banques se sentent surtout poussées dans le dos par la Banque Nationale Belge (BNB) qui annonçait en 2021 que les régularisations qui ne concernaient pas les capitaux prescrits devraient être considérées par les banques comme étant incomplètes, ce qui a suscité de nombreuses demandes d’informations auprès de leurs clients contraints de procéder à la DLUquater.

Pourtant, la BNB ne dispose d’aucune compétence fiscale ou pénale de sorte que cette annonce ne reposait sur rien et n’a jamais d’ailleurs été confirmée par la jurisprudence.

Et après 2023 ?

Si aucune DLU n’est réalisée, rien n’est clair à ce jour. Eventuellement tenter de négocier avec le procureur du Roi dont on ignore si cela permettra d’apaiser les doutes et suspicions bancaires. Pourtant, c’est une bonne manière pour l’Etat Belge de faire rentrer de l’argent dans les caisses.

Anne-Thérèse Desfosses – atd@wbgj.be

Médiatrice agréée et avocate au Barreau de Bruxelles

https://www.lalibre.be/economie/decideurs-chroniqueurs/2023/09/13/fiscalite-quels-sont-les-risques-si-on-ne-regularise-pas-les-capitaux-prescrits-LDWB47CDVJGPJNIHIKOEEYVMVE/

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